Le constat d'abandon ne serait-il pas une procédure discutable ?
Régulièrement, dans les villes et les villages de France, comme actuellement à Arnay-le-Duc (Côte d'Or), on peut voir, à l'entrée de la mairie et sur la porte du cimetière, une affiche indiquant que la municipalité va procéder à un constat d'abandon de certaines sépultures. Ces affiches sont destinées à informer les familles et à leur permettre de réagir avant la destruction des tombes.
La procédure est manifestement inadaptée aux conditions de vie actuelles. La dispersion, l'éloignement d'héritiers qui ne viennent que rarement ne leur permettent pas d'avoir connaissance en temps utile des affiches apposées sur place. Ce genre d'annonce est donc généralement le prélude à la disparition de tombes anciennes alors même que, parfois, il y a encore des familles. Les ossements sont alors transférés dans un ossuaire et les monuments détruits.
Les justifications données sont le manque de place (argument souvent discutable et qui le sera de plus en plus avec le développement de la crémation) et le défaut d'entretien des sépultures (même si elles ne menacent pas ruine et ne constituent pas un danger). Les concessions dites perpétuelles ne sont pas à l'abri : une loi de 1924, ayant instauré une perpétuité relative, permet de les reprendre si elles ne sont plus entretenues.
La destruction des tombes, une expérience traumatisante pour les familles
Quiconque a fait l'expérience d'arriver, un jour de Toussaint, dans un cimetière de campagne et de constater soudain la disparition de la tombe qu'il était venu fleurir en ressent un traumatisme qu'il n'oubliera jamais. Exemple parmi d'autres, en novembre 2009, on a pu lire dans la presse que, dans tel village du Jura, des tombes ont été supprimées sans l'avis des familles, dont certaines envisagent de porter plainte pour violation de sépulture. De telles affaires peuvent heurter les sensibilités. Elles posent les questions du respect des morts, du sens des rites funéraires, des valeurs d'une collectivité.
Un patrimoine à part entière
Par ailleurs, le patrimoine que constitue l'ensemble des tombes d'un cimetière, qu'il s'agisse des monuments eux-mêmes ou des objets (croix, grilles, plaques, statues...) qui les ornent, n'intéresse pas seulement les proches des défunts. Au-delà de la valeur muséale et artistique, souvent méconnue, de certaines de ces œuvres, ce patrimoine est porteur de mémoire familiale, régionale, nationale, voire universelle. Il a une signification qui intéresse non seulement chacun d'entre nous, mais l'humanité entière ; ce que n'aurait sans doute pas démenti Claude Lévi-Strauss, qui vient de rejoindre le petit cimetière de Lignerolles, en Côte d'Or.
Les tombeaux n'appartiennent pas seulement aux familles. Ils n'appartiennent pas, non plus, aux mairies. Ils sont un patrimoine commun, aujourd'hui menacé. Sa protection est l'affaire de tous
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