vendredi 18 mars 2022

KER-ISA

Le 21 février 2022, l’association histoire et archéologie a accueilli à Saint-Pol-de-Léon Jean Sola Pala, fils de réfugiés espagnols. Sa conférence a remis en lumière l’arrivée de réfugiés espagnols dans le Finistère à partir de 1937 dont certains accueillis à Ker-Isa à Roscoff.

Le comte Auguste Morice du Lérain et sa femme Isabelle Humbert avaient fait construire au lieu-dit Theven ar Rouannes un bâtiment, Ker-Isa, destiné à être un aérium. En 1930, une cinquantaine d’enfants viennent de Paris. Le comte meurt à 46 ans le 14 juin 1932, le jeune médecin Adrien Stéphan, 27 ans, délivre le permis d’inhumer et déclare le décès en tant qu’ami du défunt. La comtesse, devenue veuve, a des difficultés financières. Avec l'aide du maire communiste de Douarnenez, Daniel le Flanchec, Ker-Isa va accueillir des colonies de vacances gérées par la Bellevilloise, coopérative ouvrière de Ménilmontant, en 1933 ou 1934, et une colonie de Douarnenez, essentiellement des filles, en 1935.


Carte postale éditée par la Bellevilloise, non datée. Collection particulière


Le 3 juin 1937, des réfugiés espagnols venant de Bilbao y sont logés, mais leur séjour, émaillé d’incidents, s’achève dès le 15 juillet. En 1939, Ker-Isa héberge à nouveau un groupe de 51 réfugiés espagnols. En mai-juin 1940, Roscoff accueille beaucoup de réfugiés français et belges mais aucun n’est accueilli à Ker-Isa. Pendant l’Occupation, douze ou quinze militaires de l’armée de l’air occupent l’aérium jusqu’en février 1941 mais les bâtiments ne sont pas confortables, le toit plat en ciment n’est pas étanche. La comtesse n’hésite pas à se rapprocher d’un officier allemand pour obtenir de faire exécuter des travaux. Les relations se tendent entre Le Flanchec et la comtesse, sa maîtresse. Jean-Michel Le Boulanger retrace les événements qui conduisent Le Flanchec en prison pour deux ans puis en déportation, à la suite de dénonciations de la comtesse et de sa fille Isabelle. À la Libération, la comtesse est condamnée à quinze ans de travaux forcés, sa fille, en fuite, est jugée par contumace en 1946 ; elle est arrêtée et emprisonnée à Rennes en 1953, les faits sont amnistiés peu après.


Lire à ce sujet Jean-Michel Le Boulanger, Ni Dieu ni maître, Flanchec, 1881-1944 ou l’étrange parcours d’un insoumis, Mémoire de la ville, 1997. Le livre étant épuisé, l’auteur avait autorisé Pierre Cuzon à numériser les chapitres concernant Ker-Isa et la famille Morice du Lérain.

https://roscoff-quotidien.tumblr.com/post/68420917451/le-batiment-central-kerjoie-anciennement


Les tombes

En 1932, le comte Morice du Lérain est inhumé au cimetière du Vil dans le deuxième carré à gauche. Une concession perpétuelle est accordée au nom de l’aérium Ker-Isa « contre le mur NO près de Mme veuve d’Herbais », la tombale est aujourd’hui en 2G-10-12. 

Sur la dalle épaisse (marbrier Vaillant) sont gravés ces mots : « Comte A. MORICE du LERAIN/Croix de Guerre et Médaille Militaire/1886 – 1932 » à la mémoire du comte dont les armoiries ont disparu, et « CAPt. Willem VERWOERD/1921 – 1981 ». Isabelle Morice du Lérain avait connu ce marin Hollandais à Roscoff, lors des escales de son cargo et l’avait épousé des années plus tard. À sa mort en 1981, ses cendres ont été dispersées en mer du Nord mais sa veuve a tenu à en faire mémoire par une inscription sur la tombale du Vil puis au cimetière de Kermenguy où Isabelle Morice du Lérain, veuve Verwoed, achète un caveau et fait transférer la dépouille de son père ; elle fait fleurir chaque année la nouvelle tombe en granit rose portant la mention « Famille/Morice du Lérain/ VERWOERD » et sur le côté droit de la tombale « Capt. Willy VERWOERD/1921-1981 / Mme Isabelle VERWOERD/ née MORICE du LERAIN/ 1920 ». 

Née le 2 février 1920 à Vannes, Isabelle, dite Zaza, est décédée le 2 mai 2003 à Nemours et a été inhumée dans la tombe familiale à Roscoff selon sa volonté, après un enterrement religieux à l’église Notre-Dame de Croas-Batz.